Vue de la couverture du livre Fermes collectives de Maela Nael

Entretien avec Maëla Naël, autrice de Fermes collectives : le guide (très) pratique

Ingénieure agronome de formation, Maëla Naël a accompagné pendant quatre ans des entrepreneur.es en test d’activité au sein des Champs des Possibles. Au cours de cette période, elle s’est formée à l’accompagnement des collectifs, notamment sur les aspects humains et de médiation… elle a tiré de cette expérience un livre :  Fermes collectives : le guide (très) pratique paru en 2022.

Comment t’est venue l’idée d’écrire ce livre ?

Ce livre est né du constat d’une inadéquation entre la recherche des porteur.ses de projet qui souhaitaient des petites surfaces et l’offre que représentaient des grandes fermes toutes équipées et que la foncière Terre de Liens étaient en mesure de racheter. Les fermes collectives permettaient de résoudre ce décalage. Certaines visites de fermes m’ont particulièrement inspirée : la ferme de Sainte-Luce en Isère qui a débuté à quatre associés et en compte aujourd’hui vingt, mais aussi la coopérative paysanne de Belêtre en Touraine, et Radis&co en Mayenne… En cherchant des ressources sur le sujet pour conseiller les porteur.ses de projet, je me suis rendue compte qu’il y avait très peu de documentation… je me suis alors dit : et si je l’écrivais moi, ce livre ? 

Ton livre s’adresse-t-il plutôt aux porteur.ses de projet ou aux collectifs déjà installés ?

Aux deux ! Il est constitué de deux parties très différentes qui peuvent intéresser ces deux publics. La première définit ce que sont les fermes collectives, et en quoi elles représentent une indispensable troisième voie entre micro-fermes et méga-exploitations agricoles pour répondre à de nombreux défis : renouvellement des conditions de travail des agriculteurs, transition agroécologique, besoin de (re)tisser des liens entre différents mondes (urbain et rural, paysan et consommateur…). La deuxième partie propose des outils pratiques pour aider à la construction des collectifs, outils collectés dans différentes fermes et auprès d’accompagnateur·rices de groupes.

Qu’entend-on par fermes collectives ?

Même s’il y a une grande diversité de fermes collectives, je propose de les distinguer en deux grandes catégories. Les « fermes partagées », dans lesquelles les personnes installent leurs entreprises, et qui peuvent mutualiser le matériel, les bâtiments, la commercialisation et parfois le travail ; et les « fermes communes » qui fonctionnent comme une entreprise unique, dans laquelle tous les bénéfices sont partagés. Cette distinction a une grande influence ensuite sur la dynamique du groupe et les liens entre les individus qui le composent.

Quelles sont les étapes indispensables pour construire un collectif ?

Pour moi, il y a quatre points clés à déterminer ensemble en tout premier lieu : qui fait (vraiment) partie du groupe ; quelles valeurs et objectifs communs ; quelle temporalité pour les différentes étapes de l’installation ; quelle zone géographique précise de recherche de foncier. Viennent ensuite les questions « qui fâchent » (ou qui soudent durablement une fois partagées) : l’argent et le travail… Ce n’est qu’après avoir évacué ces potentiels points de blocage que l’on peut se consacrer sur les questions de statuts etc.

… et pour le faire tenir dans la durée ?

Un élément clé est de se faire accompagner. Cela peut être de façon resserrée dans la phase d’installation et plus ponctuellement ensuite, mais j’ai constaté que toutes les fermes collectives qui fonctionnent bien aujourd’hui se font accompagner par un tiers. C’est d’ailleurs obligatoire de désigner un.e conciliateur.rice dans toute construction de GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun), comme élément nécessaire à son bon fonctionnement dans la durée.

Tu as toi-même monté une ferme collective avec quatre associé.es dans le Morbihan. Quels outils mettez-vous en place au quotidien pour organiser votre collectif ?

A la Ferme des Folaisons, nous sommes installés depuis 2021 et manquons encore de recul mais nous avons par exemple instauré une réunion hebdomadaire tous les lundis matin et qui commence par la météo de chacun.e et le récit de ce qui s’est passé la semaine précédente, avec ses boulettes et ses victoires. Ces rendez-vous contribuent au bon fonctionnement du groupe. Nous avons aussi une journée annuelle pour échanger sur le collectif et résoudre les tensions qu’il pourrait y avoir. Et nous veillons particulièrement à assurer une polyvalence dans les tâches pour qu’aucun.e de nous ne soit irremplaçable… Mais il n’y a pas de recette miracle : c’est une attention soutenue sur le fonctionnement du groupe et dont chaque membre a la charge qui garantit la bonne santé du collectif.

Pour finir, dirais-tu que le modèle de fermes collectives a de l’avenir ?

J’en suis convaincue, et ces fermes suscitent de nombreuses réflexions, notamment au niveau régional. La coopérative Fermes partagées a ainsi organisé en février 2023 un rassemblement de fermes collectives dans le Rhône Alpes auquel j’ai assisté, et qui avait pour but de cartographier et fédérer les fermes collectives, d’échanger des bonnes pratiques, de monter des formations spécifiques… de faire naître un réseau et contribuer à faire grandir et consolider ce modèle. Il y a aussi des initiatives en Occitanie, avec le réseau Agri-coll par exemple, en Normandie, avec Alter-fixe ou plus informelles dans le Grand Ouest. Je ne peux qu’encourager les porteur.ses de projet et les collectifs installés à se renseigner sur les initiatives qui pourraient naître dans leurs régions.

 

Fermes collectives, le guide (très) pratique de Maëla Naël, éditions France Agricole, collection TerrAgora, 2022. Disponible en librairie ou notamment sur France Agricole

Une femme pose avec son livre à l'occasion de sa parution