“Tu y penses depuis des années ? C’est qu’il faut y aller.”

Emily a exercé pendant dix ans en boulangeries conventionnelles avant d’oser se lancer à son compte, en test d’activité. Avec l’appui de la coopérative, elle revoit sa façon de faire le pain et apprivoise les outils informatiques qu’elle évitait auparavant. C’est désormais au contact de celles et ceux qui lui achètent son pain qu’elle s’épanouit et trouve tout son sens à son métier.

Après un bac en sciences économiques et sociales, Emily suit des études de droit… et bifurque à 24 ans pour travailler à La Poste, de nuit, comme manutentionnaire en centre de tri. A 30 ans, Emily entame une deuxième reconversion professionnelle : cette fois, ce sera la boulangerie. Elle obtient son CAP en 2012 et obtient un contrat salarié dans la foulée.

Ce qui lui plait dans la boulangerie ?

  • C’est un secteur où il y a toujours du travail
  • C’est une activité valorisante, de transformer une matière première en produit nourrissant…

… Et Emily se laisse aussi guider par une grosse part d’intuition. Pendant dix ans, Emily exerce son métier dans des boulangeries conventionnelles, mais garde en tête cette autre manière de faire ce métier, au sein d’une coopérative, où chaque personne est entrepreneure de son activité… Elle avait croisé la route du fournil de Toussacq lors de sa recherche d’emploi, mais ne se sentait pas prête à l’époque à se lancer à son compte. C’est le contexte du COVID qui la bouscule dans son quotidien. Et si c’était le moment d’enfin oser ? Sa situation personnelle a évolué ; en couple, elle a plus de sécurité financière pour tenter son projet… C’est décidé, elle signe son contrat CAPE aux Champs des Possibles en mai 2021.

Le contrat CAPE (Contrat d’Appui au Projet d’Entreprise) est le contrat qui lie une personne en test d’activité aux Champs des Possibles. Ce n’est pas un contrat de travail ; il permet de cadrer les conditions du test d’activité. Sa durée est d’un an renouvelable 2 fois (durée totale de 3 ans maximum). Le contrat CAPE intègre une dimension d’accompagnement du projet de test d’activité. Son objectif est de valider la viabilité et la vivabilité globale d’un projet.

Elle trouve son rythme : boulangerie le matin, livraison l’après-midi, elle apprivoise petit à petit ce nouveau quotidien fait d’allers-retours entre Paris où elle habite et la ferme de Toussacq où elle exerce son activité.

Ses premières impressions ?

  • Une liberté grisante
  • Une vie à ciel ouvert qui contraste avec l’obscurité des fournils parisiens
  • Une curiosité grandissante pour les métiers des autres à la ferme

 

Réapprendre son métier

Le réseau de la coopérative lui permet d’identifier rapidement ses fournisseurs de farine bio et locale. Emily apprend aussi des autres boulangers de Toussacq, notamment Pierre qui est son tuteur, la forme pendant deux mois et continue d’être là en cas de besoin, et Bastien également entrepreneur à la coopérative.

A leurs côtés elle acquière une technique de fermentation longue, appelée Respectus panis, qui conserve toutes les vertus du pain. Si elle est sceptique au début, elle voit que cela fonctionne et reprend cette technique à son compte. Finies les fermentations en 6h et les 200g de levain par kilo de farine de la boulangerie traditionnelle, à partir de maintenant, Emily travaille avec 1g de levain au kilo de farine, qu’elle laisse fermenter 16h voire 18h… une toute nouvelle pratique de son métier, qu’elle ne pourrait plus exercer autrement aujourd’hui !

 

Le plus long à apprivoiser sera finalement son outil de travail : l’impressionnant four à gueulard de la ferme de Toussacq. Ce four à bois l’oblige à changer toutes les habitudes acquises auprès de fours électriques. Il lui faut désormais aussi couper du bois, gérer le feu, les températures, l’humidité…

« J’ai mis six mois avant de me sentir à l’aise avec ce four. Ça a vraiment été un gros challenge. Les conseils des autres boulangers m’ont aidée à m’y accoutumer plus rapidement. Aujourd’hui, on est presque amis lui et moi. »

Le test d’activité peut comprendre un soutien technique dispensé par un tuteur ou une tutrice, exerçant le même métier que la personne en test. Le tuteur ou la tutrice peut être proposé.e par l’entrepreneur.se ou bien par la coopérative. Lorsque le test est effectué sur une ferme d’accueil, le tuteur ou la tutrice travaille généralement sur cette ferme d’accueil.

Pour la personne en test d’activité, le tutorat permet notamment de bénéficier de la précieuse expérience d’un.e pair et de favoriser son intégration dans un nouveau réseau professionnel. Le tutorat facilite aussi les échanges et amène parfois les tuteur.rices à prendre du recul et optimiser leurs pratiques. Pour les tuteurs et tutrices, c’est aussi une bonne occasion de favoriser l’installation de nouvelles personnes et de développer des liens au sein de la coopérative.

Les critères pour être tuteur ou tutrice :

  • avoir au moins 3 ans d’expérience dans l’activité concernée ;
  • avoir envie de partager son métier ;
  • être transparent sur ses pratiques et justifier de la viabilité économique de son activité ;
  • être prêt.e à consacrer du temps à son tutoré.e et à se former/ échanger avec les autres tuteur.rices.

Le tuteur ou la tutrice est rémunéré.e pour ce temps passé. Un contrat d’engagement est signé en début de tutorat, mentionnant les objectifs et attentes à remplir. Il est possible de changer de tuteur.rice en cours de test.

Gagner en autonomie

 

Si Emily avait déjà dix ans de pratique dans la boulange, elle débutait en tant qu’entrepreneure… Elle, qui n’avait aucune expérience en compta et maîtrisait mal les outils informatiques, s’accroche et apprend aux côtés de son accompagnateur, à formaliser ses contrats AMAP, son prévisionnel économique, à intégrer ses notes de frais et factures… Elle apprécie particulièrement ce contact privilégié avec quelqu’un de confiance, réactif, qui maîtrise tout ce qui est encore obscur pour elle.

« Sans l’aide de mon accompagnateur sur les aspects administratifs, je ne m’en serais pas sortie. Ça a été primordial pour acquérir des compétences de base et devenir autonome par la suite. »

Oui, vous bénéficiez d’un accompagnement individuel de votre activité, un hébergement juridique (pas besoin de créer votre entreprise), social, fiscal et comptable. La comptabilité est gérée en interne, vous n’avez qu’à faire remonter vos frais et à éditer vos factures. Cela vous permet de vous concentrer sur votre cœur de métier.

A l’issue de son test, Emily a trouvé son rythme de croisière : elle produit 100 pains par jour, trois jours par semaine. Ces 300 pains sont commercialisés dans trois boutiques locales et auprès d’une douzaine d’AMAP… qui l’épanouissent particulièrement.

« J’adore ce moment de la distribution en AMAP. C’est un vrai moment de détente après une journée un peu folle en boulange. Ce ne sont pas des relations commerciales mais amicales. »

Et après le test ?

Après deux ans de test d’activité, Emily souhaite héberger durablement son activité au sein de la coopérative. Elle signe son contrat en tant qu’Entrepreneure Salariée Associée.

Les raisons de son choix ?

  • Toussacq lui plait, elle s’est familiarisée avec ses instruments de travail
  • Ses réseaux de commercialisation sont installés et les livraisons optimisées avec les autres producteurs et productrices de la ferme et alentour.
  • Cette formule est aussi plus souple au niveau financier : elle préfère payer un loyer pour exercer sur le fournil plutôt que d’avoir à acquérir elle-même son outil de production.
 
 

Crédits photo bandeau titre : Sandrine Mulas

« En entreprenant au sein de la coopérative, je suis libre de changer d’avis, de partir sans avoir de dettes. Le statut de salarié me permet de cotiser au chômage et m’assure un parachute en cas de besoin. C’est une sécurité pour l’avenir. »

Le conseil d’Emily pour oser ?

Ne pas avoir peur et s’enrichir des expériences des autres entrepreneur.es qui peuvent avoir les mêmes interrogations ou galères, même s’ils ne font pas le même métier que soi.