La ferme collective et coopérative de Toussacq s’est dotée depuis 2022 d’un ambitieux programme d’agroforesterie. En deux ans, 7 500 arbustes et arbres sur 4km de haies ont ainsi été plantés, en partenariat avec Agrof’île, Terre de Liens Ile de France, le collectif de la ferme et Les Champs des Possibles. Comment s’est monté ce programme, et surtout comment le répliquer sur d’autres fermes franciliennes ? Retour d’expérience sur la conception, la mise en place et les objectifs de ce projet avec Clémence Morisseau coordinatrice du projet et Antonin Mercier chargé de mission chez Agrof’île.
La volonté de réimplanter des haies et des arbres dans la grande plaine de Toussacq est ancienne. En 2011 déjà, Matthieu Chevalier, un des exploitants de la ferme, avait monté un projet qui n’avait finalement pas abouti, faute de soutiens. C’est en 2021 que l’idée refait surface à l’occasion du stage de Tristan Gérault, étudiant à AgroParis Tech. Sa mission : concevoir un projet agroforestier adapté aux différents ateliers de la ferme. Il se rapproche d’Agrof’île, association qui œuvre pour la pleine intégration des arbres au sein des systèmes de productions agricoles franciliens, et conçoivent ensemble un projet adapté et adaptable pour répondre à la situation bien particulière de ce lieu de tests d’activité où les porteur·ses de projet se succèdent. Le programme devait pouvoir être (re)pris en main par différentes personnes et ateliers. Ils montent ensuite un dossier de financement auprès de fonds européens environnementaux du FEDER pour obtenir des financements indispensables à sa mise en œuvre. Toussacq étant sur une zone Natura 2000, les fonds subventionnent la totalité des 72 000 euros d’investissements prévus (hors zone protégée, les subventions sont de l’ordre de 90%). Attention cependant : ces subventions sont perçues en fin de programme, sur factures acquittées. Il faut donc prévoir une avance de trésorerie qui peut être conséquent.
Une mise en place en deux temps
La mise en œuvre du programme nécessite une personne référente : ce sera Clémence Morisseau, entrepreneuse en animation pédagogique à la coopérative, qui réalise de nombreuses visites de la ferme de Toussacq. « Mon rôle a surtout consisté à coordonner l’action de toutes les personnes impliquées dans ce projet : Agrof’île et le collectif de la ferme bien sûr, mais aussi Terre de Liens IDF et Les Champs des Possibles. Il fallait réunir au bon moment les bonnes personnes, les bonnes compétences, le bon matériel… Et les bonnes conditions climatiques. » Pas si simple donc ! Clémence estime à 2 jours par mois son temps passé sur la coordination pendant l’hiver 2022.
- En novembre 2022, la première phase de plantation consiste à faire le tour de la ferme, le long des parcelles de grandes cultures, avec des haies brise-vent et refuges de biodiversité. « On a diversifié au maximum les essences dans les haies pour varier les habitats et les sources de nourriture, espacer les floraisons pour les pollinisateurs mais aussi étager les hauteurs et les profondeurs pour atténuer le vent, sans le bloquer totalement. » explique Antonin. Au menu donc : noisetier coudrier, érable champêtre, charme commun, sureau noir, cornouiller sanguin, pommier sauvage, tilleul à petit feuilles, chêne pubescent, noyer commun… Les arbres sont plantés tous les huit mètres, les arbustes tous les mètres, sur deux rangs, en quinconce. Un bourrelet herbeux est laissé côté clôture pour faciliter l’entretien et être également un lieu de refuge de biodiversité.
- Du 27 au 30 novembre 2023, c’est la deuxième phase de plantation dans la partie élevage à la ferme. « L’idée est ici de favoriser la fonction de haie comme ressource alimentaire pour les chèvres. On y plante donc des essences qui poussent fortement : des frênes, des ormes, des saules… », précise Antonin.
Suite à ces deux séries de plantations, des chantiers bénévoles se mettent en place grâce au réseau de la ferme et à Terre de Liens Ile de France, pour pailler et désherber les arbres. Un chantier ouvert à participation est ainsi organisé les 8 et 9 décembre 2023.
Les nombreux avantages des haies dans les systèmes agricoles
- Améliorer la biodiversité sur la ferme en fournissant gîte et couvert aux oiseaux et insectes, notamment les auxiliaires de culture ;
- Assimiler et stocker le carbone de l’air dans le sol ;
- Favoriser l’activité biologique des sols (vers de terre mais aussi champignons et bactéries) grâce à un apport en matière organique issu du renouvellement racinaire et de la chute de feuilles ;
- Réguler les flux hydriques pour une meilleure infiltration de l’eau et gagner en résilience face aux aléas climatiques pour mieux protéger cultures et animaux ;
- Se protéger des traitements de voisins conventionnels et apporter une vocation paysagère à la ferme
- Fournir des ressources productives : fourrages (élevage), bois de chauffage (fournil), bois d’œuvre, fruits…
- Ajouter une dimension supplémentaire à un modèle agronomique complet, à valoriser lors de visites de fermes.
Favoriser le taux de reprise des arbres
Agrof’île se fournit auprès de pépinières ‘naisseuses’, c’est-à-dire qu’elles s’occupent des plants de la graine à la première année, à la différence des pépinières ‘éleveuses’ qui s’occupent des plants de la 1ère à la 3ème année. Planter un plant jeune réduit les coûts et facilite la plantation. « C’est pour nous un gage de meilleure reprise du plant. » nous confie Antonin. Et cela marche : Agrof’île ayant un taux moyen de reprise à 95% et s’engageant même à replanter la 2e année si ce taux n’était pas atteint.
Et justement, à Toussacq, le taux de reprise n’a été que de 70% suite à la première phase de plantation. En cause : la pression de la faune sauvage (sangliers, lièvres) particulièrement forte dans un contexte de plaine ouverte. Pour la deuxième phase de plantation, Agrof’île prévoit donc d’ajouter une protection biodégradable en bambous autour des arbres plantés.
Entretenir les haies dans la durée
Un des enjeux essentiels pour le succès d’un tel programme est son appropriation par les personnes travaillant sur la ferme. Si ce projet apporte de nombreux services agrosystémiques à la ferme en général, il n’est pour autant pas porté par une personne en particulier. « On apprend au fur et à mesure que l’on fait les choses » nous confie Clémence, et en effet, en l’absence de marche à suivre préétablie, le collectif de Toussacq se saisit de ces questions en même temps que le projet se réalise. « Il s’agit de susciter une attention partagée vis-à-vis de ces arbres, que leur entretien soit intégré aux sujets des communs de la ferme ». Si Abdennour et Isabelle, qui élèvent un troupeau de chèvres à Toussacq, se sont particulièrement saisis de cette deuxième phase de plantation qui impacte directement leur atelier, les rôles pourront être tournants à l’avenir.
A savoir également : Agrof’île propose régulièrement des ateliers sur différentes fermes pour apprendre à tailler les arbres et les entretenir au mieux. Abonnez-vous à leur newsletter pour connaître les dates des prochains ateliers !
Un programme soutenu par le FEADER et le Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
