Marie-Agnès Bouthier est amapienne aux Panais de Pontault depuis plus de 10 ans. En 2015, son AMAP entame un partenariat un peu particulier avec un maraîcher en test d’activité suite à une reconversion professionnelle. Depuis, l’AMAP a choisi de renouveler le plus souvent possible ce mode de fonctionnement engagé -et engageant… Marie-Agnès nous en raconte les particularités et motivations.
Pour commencer, pourquoi avoir rejoint l’AMAP des Panais de Pontault ?
J’ai rejoint l’AMAP en 2013, poussée par la curiosité pour ce modèle qui était nouveau à l’époque, et avec l’envie de m’approvisionner en légumes locaux et de saison. J’avais été habituée petite aux potagers familiaux, et je cherchais à retrouver ce lien direct avec les champs. Assez vite, je me suis prise au jeu et ai pris des responsabilités au sein de l’AMAP, en lien avec le réseau des AMAP Ile-de-France.
Comment votre AMAP a-t-elle été mise en relation avec des paysan.nes en test d’activité ?
Fin 2014, nous avons mis fin au partenariat avec notre maraîcher-qui était alors notre seul producteur partenaire. Nous avions en effet des différents quant aux valeurs, à la transparence des contrats ou la qualité de certains légumes… Nous avons donc cherché une nouvelle personne via le réseau des AMAP Ile-de-France. C’est comme cela que nous avons rencontré Michel, en 2015, qui démarrait un test d’activité en maraichage à la ferme de Toussacq, suite à une reconversion professionnelle.
Comment avez-vous mis en place ce tout premier contrat ?
Je me souviens très bien de ce premier rendez-vous. Michel était venu avec son accompagnatrice des Champs des Possibles. Tous deux ont été très transparents : oui, Michel était en reconversion professionnelle, oui, il était en test d’activité. Mais, on sentait aussi qu’il était animé d’une forte motivation pour sa nouvelle activité et d’un profond attachement pour le partenariat avec les AMAP, qui lui permettait de sortir d’un système commercial classique, dans lequel ni lui ni nous ne nous retrouvions. C’est ce partage de valeurs qui nous a convaincu de l’accompagner dans son aventure. Nous avons commencé avec une vingtaine de parts de production, mais sommes rapidement monté à 35 parts, ce qui était l’objectif de Michel. Ce partenariat a duré 7 ans et nous a toujours apporté beaucoup de satisfaction !
Et vous avez donc décidé de renouveler l’expérience… à plusieurs reprises.
Oui, avoir des producteurs et productrices en test d’activité fait un peu partie de notre ADN désormais. Après Michel, nous avons monté des partenariats avec Noémie, puis Isabelle & Abdennour pour un contrat fromages de chèvre, Jean-Pierre pour les poulets, Yohan puis Emily pour le pain. Ces six paysan.nes étaient tous et toutes en test d’activité à la ferme de Toussacq au moment du début de nos partenariats.
Pourquoi avoir choisi des producteurs et productrices en test d’activité ?
Le fait que ces personnes soient (pour la grande majorité) en reconversion professionnelle nous est apparu comme une réelle source de motivation. On a eu le sentiment très fort de les aider dans leur parcours, de participer à leur changement de vie… Nous étions aussi très reconnaissant.es à l’égard de ces personnes qui osaient se lancer et qui concrétisaient notre souhait de voir s’installer des paysan.nes en Ile-de-France. Participer à cette aventure humaine nous a fortement fédéré au sein de l’AMAP. Par ailleurs, nous nous sentions en confiance dans le cadre sécurisé que proposait Les Champs des Possibles. Les contrats que nous signons sont d’ailleurs tripartites entre paysan.ne, amapien.ne et coopérative. Le fait d’avoir une tierce personne a aussi pu apaiser certains échanges par moment.
Cela n’a donc pas toujours été évident ?
C’est vrai qu’il y a eu des hauts et des bas. Accueillir des personnes en test d’activité c’est aussi être prêt à accepter plus de tâtonnements qu’avec des paysan.nes chevronné.es. Et c’est aussi bien sûr être prêt à rechercher de nouvelles personnes en cas d’interruptions de tests, plus ou moins anticipées… Mais ces rebondissements nous ont aussi permis de prendre une place plus active dans nos partenariats, et notamment en comprenant le quotidien, parfois difficile, des paysan.nes. Petit à petit, on s’est forgé une idée de ce que pourrait être cette ferme collective qui les voyait évoluer, et qui pourrait être un lieu d’entraide et de mutualisation d’outils et de ressources pour chacun et chacune.
Vous allez souvent à la ferme, aider les paysan.nes ?
On y est beaucoup allés au début du test d’activité de Michel, et même plus tard quand il exprimait une certaine fatigue. Nous y retournons régulièrement depuis, pour aider l’ensemble des paysan.nes de Toussacq, avec un gros noyau dur d’amapien.nes qui viennent à tour de rôle. Il y a des familles avec enfants, des retraités, des jeunes… c’est varié dans les tranches d’âges mais aussi dans les catégories socio-professionnelles. Nous avons même fait notre Assemblée Générale à la ferme une année, qui a réuni une quarantaine de personnes.
Pour conclure, que diriez-vous à des AMAP qui hésitent à accueillir des personnes en test d’activité ?
Je leur proposerais de se demander ce qu’ils et elles attendent de leur AMAP : est-ce un « simple » lieu de distribution de produits locaux, paysans, de saison et en circuit court (ce qui est déjà quelque chose !)… ou bien est-ce aussi l’outil d’expression d’un engagement plus profond ? Pour nous, l’AMAP recouvrait une multitude de motivations individuelles (se nourrir différemment, s’engager en tant que citoyen.ne, rejoindre une seconde famille…) qui ont toutes été fédérées par l’aventure humaine à laquelle nous participons via les tests d’activité… Aventure humaine qui nécessite aussi une certaine organisation dont il faut avoir conscience : les référent.es de l’AMAP doivent être prêt.es à suivre de façon plus engagée les producteurs et productrices en test d’activité, pour prévenir les éventuelles difficultés et aider à trouver des solutions.
L’AMAP des Panais de Pontault
L’AMAP des Panais de Pontault a été créée en 2010 via la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) de la ville, et continue de porter depuis cet objectif d’éducation populaire. Au plus fort de son activité, l’AMAP a réuni 94 adhérent.es, et compte neuf contrats disponibles. Une des particularités de cette AMAP est l’important nombre de contrats avec des paysan.nes de Seine et Marne et/ou à proximité. L’exception -et pour cause ! est le contrat avec un paysan-pêcheur normand.
Marie-Agnès Bouthier, amapienne aux Panais de Pontault et membre du Conseil d’Appui et d’Orientation des Champs des Possibles
Crédit photo de couverture : association des Panais de Pontault