Après une reconversion puis une installation en individuel, Guillaume a rejoint une ferme collective pour continuer de travailler en maraîchage. Plus de coopération, moins de charge mentale, il nous explique son choix et en quoi le test d’activité lui a permis de bien préparer cette association.
Un couvé très expérimenté
C’était un test d’activité un peu particulier. Guillaume n’était pas vraiment novice quand il a signé son contrat CAPE en maraîchage aux Champs des Possibles, en janvier 2024. Après un BPREA au Campus Bougainville à Brie Comte Robert, cet ancien développeur web avait travaillé un an en salariat agricole en région parisienne. Si cette expérience lui a permis de consolider ses acquis, il en a vite vu les limites : « je ne m’y retrouvais pas en termes de rémunération et d’investissement intellectuel en tant qu’ouvrier agricole. Quand je suis passé chef de culture, j’avais des responsabilités, mais ne me sentais pas non plus épanoui : je n’avais pas de marge de manœuvre dans mes décisions… ce n’était pas ma ferme ».
Guillaume saisit alors une opportunité foncière dont une amie lui fait part, en Poitou. Il s’y installe en entreprise individuelle. Très petite surface, pas de mécanisation ni de paillage plastique, Guillaume expérimente enfin le maraîchage sur sol vivant qui lui tient à cœur et dont il n’avait pas beaucoup vu d’exemples concrets autour de lui. Si tout se passe bien au niveau technique, Guillaume sent de nouvelles limites poindre, physiques cette fois : il n’ose pas prendre de stagiaire car il est en phase expérimentale et fait donc face seul à la charge de travail, mais aussi à l’administratif qu’engendre toute création d’entreprise… Après trois ans, Guillaume décide de revenir en région parisienne, là où vit toujours sa compagne.
« Au début, je cherchais à reproduire le modèle que j’avais déjà monté, le temps de nous fixer définitivement quelque part avec ma compagne. Mais les difficultés d’accès au foncier et l’énergie qu’une installation agricole demande ont mis à mal ma motivation. J’ai donc réorienté mes recherches vers des fermes collectives déjà constituées, que je pourrais rejoindre ». Et banco, à la Ferme du Pas de Côté, on cherche à remplacer Roman, le dernier couvé en maraîchage, parti dans une autre ferme de la région.
La Ferme du Pas de Côté à Saulx les Chartreux
Située au cœur de la ceinture maraichère historique de Paris, la Ferme du Pas de Côté est un lieu d’accueil de formation et de test d’activité depuis 2015 sur les métiers du maraîchage, de l’élevage de poules pondeuses et de la boulange. Un nouveau hangar, dont une partie a été construite par les entrepreneur·es du site, vient agrémenter la ferme de différents plateaux techniques (fournil, espace de stockage de légumes, lieu de vente,…) et renforcer sa capacité d’accueil de différents publics.
Aujourd’hui, le site accueille en maraîchage : un GAEC composé de Guilain, Maëla et Guillaume, deux entreprises individuelles des ancien·nes entrepreneur·es de la coopérative Anne-Fleur et Paul, et l’activité de boulange d’Eric, entrepreneur salarié associé à la coopérative.
Le site est un lieu d’accueil pour les tests d’activité, avec Les Champs des Possibles
Un test d’activité pensé comme test d’association
Si Guillaume n’avait pas vraiment besoin d’un appui technique ou administratif, lui qui gérait depuis trois ans sa propre ferme, il a vu dans le test d’activité une opportunité de tester une future association. D’une durée d’un à trois ans, le test d’activité permet de se lancer rapidement, sans investissement, et d’apprendre à connaître une ferme, son fonctionnement et celles et ceux qui y travaillent. « Pour moi qui étais habitué à travailler seul, ça a été très précieux de pouvoir tester les rapports humains sur le long terme. Arriver sur une ferme qui tourne très bien, et en réflexion sur la construction d’un collectif, c’était l’idéal pour mon projet. »
En effet, quand Guillaume arrive à la Ferme du Pas de Côté, les discussions sur la constitution d’un collectif sont déjà assez avancées entre Guilain, Maëla, Anne-Fleur et Paul, les maraîchers et maraîchères en activité sur le site. La formule du test d’activité permet de l’intégrer très tôt dans la réflexion en cours.
C’est donc bien un test d’association que Guillaume entame en janvier 2024, avec l’appui de Mélanie son accompagnatrice à la coopérative. Et toutes les parties prenantes y trouvent leur compte : Guillaume bénéficie de l’outil de production mis à disposition à la ferme, rachète le stock de légumes de l’ancien couvé et récupère ses contrats en AMAP. Les agriculteurices de la ferme accueillent un maraîcher déjà très autonome, apprennent à connaître ce potentiel futur associé, et sa façon de travailler. Et la coopérative continue de contribuer au maintien des fermes biologiques sur le territoire, en expérimentant les installations collectives.
Et ça marche : au bout d’un an, Guillaume met un terme à son test et s’installe avec Guilain et Maëla en GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) : ils prennent chacun des parts dans la structure, qu’ils pourront récupérer à leur départ. Ils mettent en commun les surfaces de production et livrent chacun et chacune à leur tour les trois AMAPs qu’ils et elles gèrent donc en commun. Une CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) est également montée pour faciliter les prêts de matériel avec Anne-Fleur et Paul, installés à leur compte pour gérer leurs circuits de commercialisation spécifiques.
Et pour la suite ? Si la vie personnelle de Guillaume l’amène à s’installer dans une autre région à l’avenir, il souhaiterait conserver une dimension collective à sa démarche : « Pour moi l’installation collective est un choix politique et militant et a aussi l’avantage de fournir un quotidien plus confortable, avec un niveau de fatigue et de charge mentale très différent de ce que j’ai connu en installation individuelle. »
Cet article a été réalisé avec le soutien de l’Agence de l’Eau Seine Normandie.

Le conseil de Guillaume pour s’associer ?
Se faire accompagner sur les formes juridiques et sur ce que ça veut dire concrètement en termes d’argent, d’administratif, de conditions d’entrée et de sortie… Une mini-formation sur le sujet est indispensable !